DUTCH LAST SUPPER
Fusion
Lʼartiste, a travers cette oeuvre, interroge notre rapport à lʼimage, créant, à partir de références multiples, une mythologie contemporaine. En amalgamant des portraits photoraphiques et en réorganisant dans une nouvelle composition quantité de détails (puisés dans une centaine de tableaux de maitres du siècle dʼor hollandais), en combinant les références au moyen de techniques de juxtapositions et de collages multiples, tant visuels que temporels, le travail de mémoire opère : la version intitulee Dutch Last Supper renvoie certes par sa construction à une representation conventionnelle de la Cène peinte maintes fois au cours des siecles, mais fait aussi reference aux grands tableaux des confréries autrefois peints par Rembrandt. Trahison
Loin de rechercher lʼexactitude de la citation, cette oeuvre démontre que la vérité peut être factice et la mémoire lacunaire. En revisitant notre patrimoine historique, lʼartiste sʼemploie à créer une image trompeuse qui ait la valeur et la densité dʼun vrai/faux souvenir, fidèle au fonctionnement de la mémoire, faussement nette et véritablement trouble, elle pose ainsi la question essentielle du detournement et du leurre propre à toute image. Car si le collage numerique rend le trucage indecelable, desormais aucune image nʼechappe au soupcon.
Le choix de lʼarchetype de la Cene, symbolique chrétienne de la résurrection, est lie au fait que cette thematique trouve ses origines dans les temps archaïques : le mythe de fertilité. Lʼidee de renaissance est avant tout illustree par le cycle des saisons dont le culte remonte a des temps immemoriaux. Ainsi son avatar chretien substitue aux douze mois de lʼannée douze apôtre, (formant eux-memes quatre groupe de saisons), et a lʼastre solaire, zenithal et central, la figure du Christ pantocrator. Lʼoxymorisme féminin des protagonistes est en parfaite adequation avec le concept cyclique de lʼeternel retour.
Renversant toutefois le sens habituel de la représentation, illustrant dʼordinaire convivialite et harmonie, le dîner ressemble dorenavant à un tribunal voire une conspiration contre une victime désignée.
Combat de carême contre carnaval, lʼausterite des personnages contraste en effet violemment avec lʼopulence des victuailles qui abondent sur la table en signe de prosperite ; contrairement a une image traditionnelle qui offre generalement la vision dʼun repas frugal ou regne une entente chaleureuse, mis a part la presence de Judas, presageant la rupture imminente du partage harmonieux.
Ce dernier semble avoir ici contamine lʼassistance et trouve de nombreux allies, on assiste à une perversion du sens et des valeurs du message ; telle une allegorie, lʼœuvre offre une lecture ambivalente loin de lʼimage traditionnelle, le pacte du bien vivre ensemble est rompu.
CARDINAL LAST SUPPER
Obeissant aux memes procedes dʼamalgames, cette fois compilée à partir de tableaux représentant le monde ecclesiastique, ce pendant masculin de la Cène est une réponse aux paroles du cardinal americain Raymond Burke, figure de la frange la plus conservatrice de lʼEglise, connu notamment pour sa véhémente opposition à une plus grande tolérance de lʼéglise envers les couples homosexuels et les personnes divorcées. Dans une interview donnee a « The New Evangelization » il stigmatise et fustige la place des femmes dans notre société actuelle :
« Le feminisme radical pousse lʼEglise à constamment se pencher sur les problèmes des femmes au lieu dʼaborder les questions importantes et critiques, telles les dons particuliers que Dieu donne aux hommes pour le bien de la société ».
Il explique que les droits des femmes conduisent les hommes à grandir sans véri- table identité, causant des ravages plus tard dans leur vie. «Le féminisme radical, qui agresse lʼEglise et la société depuis les années 1960, a laissé les hommes très marginalisés». Les hommes, de ce fait, sont «pauvrement formés» et tombent dans «la pornographie, la promiscuité sexuelle, lʼalcool, la drogue et toute une gamme de dépendances».
Toujours selon le cardinal Burke, la perte dʼidentité sexuelle conduit aussi les pédophiles à devenir prêtres. «Il y a eu une période où les hommes, féminisés et confus au sujet de leur propre identité sexuelle, sont entrés dans les ordres. Malheureusement, certains hommes souffrant de troubles ont abusé sexuellement de mineurs» explique-t-il, «une tragédie terrible que lʼéglise entière pleure aujourdʼhui».
En echo aux paroles de ce cardinal, la femme bouc-emissaire est ici montree en position de victime sacrifiee, litteralement mise a lʼindex, en meme temps que lascive et offerte telle une tentatrice. Autour dʼelle, eriges en juges, des cardinaux forment une coalition et affichent des expressions qui oscillent entre mepris, desir et frustration.
Cette allegorie met en exergue le manque de sincerite et de droiture, la duplicite des parangons de vertu dont la conduite nʼexprime pas les pensees du cœur, en un mot lʼhypocrisie, attitude morale portant profondement atteinte a lʼordre de la vie sociale.